La haine est née avant l'amour! |
Épisode 11: La haine est née avant l'amour!
Je n’ose pas regarder ce qui s’offre à ma vue. Je n’ose pas regarder le corps
parfait de Jordan. Pourtant, debout, je sens de là une odeur de sueur mêlée à
une infinie virilité qui me trouble comme jamais je n’ai été troublé.
Il ne remarque même pas l’effet qu’il produit sur moi.
Tranquillement, il sort une serviette de son sac à dos, l’attache autour de
sa taille et se dirige vers la douche.
Je reste là, con et à moitié embêté pendant une minute entière avant que le
petit son des SMS reçus ne me fasse sortir de ma torpeur.
SMS de Chouchou : « C’est un silence radio très inquiétant… »
Mon SMS: « Il est entrain de se laver »
SMS de Esmel : « Ahi, chez ki ? »
Mon SMS : « A ton avis ?»
SMS de Yannick : « Et pui, tu atten koi ???? Va le
rejoindre ! »
SMS de Lily : « Ne l’écoute pa dèh ! C’est riské !»
SMS de Chouchou : « Pourquoi, je suis la seule personne choquée
par le fait que le monsieur se lave chez les gens… ? »
J’en ai marre de tout ça. Je décide d’éteindre mon portable.
De toute façon, je ne pense pas que ce flot de conseils contradictoires va
m’aider.
Je m’assoie lentement sur le lit et j’attends.
5 minutes passent.
Jordan sort en nage. Frais. Quelques gouttelettes parcourent encore son
buste et se perdent dans les creux de ses muscles abdominaux.
Jordan sort en nage... |
Une idée me traverse l’esprit. Je voudrais être une gouttelette d’eau. Cette
idée saugrenue me fait rire.
- Pourquoi tu ris ? me demande-t-il en me regardant curieusement.
- Je pensais à quelque chose….
- A quoi ?
J’ouvre la bouche puis je dis doucement :
- A rien…
Il porte rapidement ses habits de rechange
et saute à coté de moi :
- Alors, on bosse sur quoi aujourd’hui ?
- Tu veux bosser sur quoi ?
- Ben, je ne sais pas…je suis nul en tout…sauf en EPS…lâche-t-il en riant.
- Ben non, arrête ! dis-je sans savoir pourquoi…
Jordan sort son cahier de français et me le tend :
- Commentaire composé… Là je suis vraiment nul !
C’est parfait ! Ma prof de Français trouve que ma maitrise du
commentaire composé est exceptionnelle ! Je lui démontre qu’elle n’a
pas tort.
Je sors au choix un texte de Victor Hugo (A ma fille Adèle) et je me
lance dans un discours sans fin.
Jordan me regarde avec de grands yeux. Je pressens qu’il n’y comprend rien
mais je continue quand même, trop content de l’impressionner.
Ce n’est 30 minutes plus tard que je me rends compte que je ne
l’impressionnais pas mais l’ennuyais ; Jordan s’est endormi.
Je le regarde couché là. Le souffle lent. La respiration douce. Les yeux
clos. Il ressemble à un enfant, à un ange tombé du ciel.
Je me penche sur lui. J’approche ma bouche de la sienne. Lentement. Très
lentement. De peur de le réveiller. Je sens son haleine fraîche et son souffle
qui se mélangent aux miens.
Je sens son haleine et son souffle... |
Mon cœur s’accélère. De peur et d’émotion. Puis il chavire. Je l’aime.
Tellement fort. Une boule d’amertume se calle dans ma gorge. Il est si proche
de moi. Et pourtant si inaccessible.
Je me couche en face de lui. Et je m’endors doucement pour faire
disparaître cette vaste tristesse qui me submerge.
Il est 18h35 quand je me réveille. Il fait nuit dehors. Jordan ne dort
plus. Il est devant mon cahier de français entrain d’essayer de comprendre le
fameux texte. Je le regarde amusé par son air sceptique.
Soudain, on frappe à la porte. C’est Christelle, ma petite sœur. Elle affiche une mine
surprise quand elle nous voit. Puis un
petit sourire complice au coin de ses lèvres nait. Un sourire que je ne peux
interpréter.
Christelle |
- Bonjour, je m’appelle Christelle et toi ? dit-elle en lui tendant la
main.
- Euh…Jordan…
- Jordan ?! Et tu n’as pas un vrai nom ?
- Christelle ! Je lance en sursautant. Ce n’est pas poli ça !
- Je ne fais que demander !
- Je m’appelle Yao Kan Koffi…
Il eut un silence. Et Christelle et moi éclatons de rire.
- Vous vous moquez de mon nom ??? fait Jordan en riant lui aussi.
- Je comprends maintenant pourquoi tu préfère Jordan ! dis-je sans m’arrêter de rire.
Jordan se lève tout d’un coup, me décolle du sol et se met à me faire
virevolter :
- Alors tu vas t’excuser oui !!!?
- Dépose-moi à terre ! S’il te plait ! Je ne me moquerai plus!
dis-je plus de fou rire que de peur…
Christelle assise maintenant à la fenêtre, nous observe. Je sens que
derrière son sourire de façade, elle analyse le moindre de nos gestes… Je sens
qu’elle est entrain de se rendre compte qu’il y a bien plus que de la
camaraderie entre moi et le nouvel ami.
Brusquement, Jordan s’arrête de tourner et me dépose à terre doucement. Je
suis sur le point de lui demander ce qui se passe quand je vois ma mère au pas
de la porte.
Je vois Maman au pas de la porte... |
Son regard dur et impassible nous demande des explications.
- Vous ne croyez pas que vous êtes trop vieux pour ces gamineries, jeunes
hommes ? demande-t-elle calmement.
-Bonsoir Maman, je ne savais pas que tu étais déjà rentrée… dis-je en
faisant un clin d’œil à Jordan pour le rassurer, Je te présente mon ami, Yao
kan !
- Bonjour Tant…euh…Madame. bredouille-t-il.
- Tu peux m’appeler Tantie, dit-elle en commençant à ranger ma
chambre, Allez tous les trois faire la
table. On dine dans 30 minutes. Après j’ai ma séance de prières avec la
Communauté.
- Euh…moi je pense que je vais rentrer, fait Jordan en ramassant son sac.
- Tu n’avais pas l’air très pressé tout à l’heure, lance ma mère en jetant
des chaussettes sales dans la corbeille. Reste diner avec nous après tu
rentreras.
Jordan ne peut pas dire grand-chose après ce verdict.
Nous nous retrouvons tous les trois dans la cuisine entre couverts et
assiettes.
Jordan est plutôt à son aise au milieu de tout ça. Il
s’amuse avec Christelle et me jette de temps à temps des regards complices.
Nous sommes sur le point de passer à table à 19h30 quand mon grand frère
apparait avec Myriam, sa femme. Ama, la servante, ajoute donc des couverts
supplémentaires et nous commençons à manger.
Pendant le diner, Armel se prend tout de suite d’amitié pour Jordan. Ils se
mettent à parler sport, basketball et surtout comme tous les mecs, Champions League
de Football.
Myriam, anormalement calme aujourd’hui, se contente de regarder le journal
télévisée à la RTI en prenant des petites bouchées de riz.
-Ehhh c’est quoi ca ! s’écrie-t-elle tout à coup.
Je me retourne et ma main se crispe sur la fourchette quand je vois deux
hommes entrain de s’embrasser.
- Qu’est ce que c’est ? demande Armel.
- Ils ont légalisé le mariage des pédés là encore dans un nouveau
pays !
- Pfff, dans quel monde, vivons nous ! dit-il. Un garçon qui sort avec
son camarade garçon ! Même les animaux ne font pas ça !
- Sodome et Gomorrhe ! fait ma mère en faisant un signe de croix. J’espère
que ces choses là ne vont pas arriver en Côte d’ivoire!
- Ces gens là méritent d’être brûler ! Franchement ! Crache
Jordan.
Depuis le temps, je suis habitué aux propos homophobes de ma famille. Mais
que Jordan s’y mette… C’est bien trop fort pour moi…
Je mets mes mains sous la table pour ne pas qu’on se rende compte qu’elles
tremblent. Mais je sens une autre qui se pose sur la mienne comme pour me réconforter…
C’est celle de Christelle, ma petite sœur chérie.
Une main se pose sur la mienne pour me réconforter... |
5 minutes plus tard, le sujet de conversation change.
Myriam lance un grand sourire
étrange à Armel et tous les deux se lèvent.
- Belle Maman chérie, les enfants, on a quelque chose à vous
annoncer ?
- Vous allez divorcer ? murmure Christelle.
J’éclate de rire.
Ma mère me foudroie du regard.
- On va avoir un bébééééé !!!!! crie Myriam avec joie.
Ma mère saute de sa chaise et enroule le couple de ses bras.
- Gloire à Dieu ohhhhh !!!!! Je vais être Grande Maman ! Je vais
être Grand Maman !
Ma mère se met à danser. Ama l’imite. Je fais semblant de sourire bêtement
et Christelle simule difficilement la joie.
Jordan me jette un autre regard complice. Mais cette fois, je n’y réponds
pas. Je suis trop contrarié parce ce qu’il vient de dire. Beaucoup trop!
- Eh seigneur ! J’ai prié jour
et nuit pour que cela arrive ! Continue ma mère, saoulante. Enfin tu as
exaucé mes prières. Vous voyez les enfants ! Tout ce qu’une mère veut
c’est que ses enfants trouvent un jour un bon mari ou une bonne femme et qu’ils
aient de beaux enfants…
- Tout un programme ! murmure encore Christelle.
La soirée se termine à 21h05 dans une joie générale. Ma mère est tellement
heureuse qu’elle se rend en retard à la réunion de sa Communauté.
Je profite pour raccompagner Jordan. Je le laisse à la porte !
Personnellement, je n'ai plus envie de recevoir cet homophobe... Plus jamais !
- J’adore ta famille ! Vous êtes si unis…dit-il une fois devant la porte.
- J’ai vu ca…
- Et ton frère est génial ! Il t’aime beaucoup, tu sais…
- Ha ouais...
- Oui, on se revoit demain?
- Non, j'ai pas mal de choses à faire, désolé.
Jordan me jette un regard surpris et tourne les talons. Je referme la porte derrière lui.
Je me sens mal, j'ai envie de pleurer mais épuisé par tout ça, je me rendors assez vite.
Une semaine passe. Tout va de mal en pis; mon groupe
d’amis dont Chouchou m’en veut d’avoir fermé mon portable pendant la visite de Jordan, mes profs se sont mis dans une logique d'interros surprises très dévastatrices et je fais tout pour ne plus revoir Jordan et le faire disparaitre de ma vie et surtout de ma tête.
Les midis à l'école, je me retrouve donc seul à la cantine.
Je suis dans le rang
attendant de me faire servir quand un groupe de garçons venus de nulle part se
met devant moi en n’oubliant pas de me bousculer au passage.
Mon sang boue dans mes veines mais je me retiens pour ne rien dire.
- Il n’est pas avec sa petite pédale d’ami aujourd’hui ! Ah !
Ah ! Ah ! lance l’un d’eux.
Je veux bien ignorer cela mais c’est plus fort que moi. Semaine merdique. Réveil merdique. Matinée merdique. Ils ne vont pas venir me faire chier!!!
- Il n’y a qu’une petite tapette pour pouvoir reconnaitre si bien les
petites pédales ! je vomis.
Le plus grand de la meute se retourne brusquement et s’avance vers
moi :
- Tu parles de qui toi ?
- Je parle de toi et de tous les petits cons qui te servent d’amis !
Il me saisit par les cols et me repousse violemment.
Je tombe à terre et mon plat se renverse sur ma chemise.
Les gens autour se mettent à rire bruyamment.
- C’est tout ce que tu es capable de faire, connard ! lance-je.
Il me marche sur le bras gauche pour m’empêcher de me lever. La douleur est
si insupportable que mes yeux s’embuent de larmes…
La douleur est insupportable et mes yeux s'embuent de larmes... |
Mais, sans que je n’ai eu le temps de voir d’où ca vient, le gaillard est projeté à terre avec
une telle violence qu’il tombe derrière le comptoir.
Je me retourne instinctivement et je vois Jordan.
Les amis de l’autre avancent vers nous :
- Tu n’aurais pas dû faire ça, monsieur le basketteur, maintenant, nous
allons vous massacrer !
- J’aimerai bien voir ca ! articule Jordan.
Il fauche celui qui fait le premier pas, donne un coup de poing au deuxième
puis un coup de tête au troisième.
- Approchez ! Vous n’avez pas dit vous êtes garçons !! Bâtards là !
continue-t-il.
- Stp, tu vas blesser quelqu’un ! Je le supplie.
Jordan se retourne vers moi et baisse les poings.
Au moment où il est sur le point de m’aider à me relever, le gaillard saute
de derrière le comptoir et fonce sur lui.
Jordan réussit à le repousser en lui assenant un coup à la poitrine.
J’entends des cris d’horreur parmi les élèves.
Je jette un regard circulaire pour voir ce qui se passe. Absolument rien.
Jordan me fait dos. Il reste immobile pendant 5 secondes puis… s’écroule.
Je suis totalement paniqué, pétrifié. J’avance des mains tremblantes sur
lui et les plongent dans une marre de sang.
Jordan est entrain de mourir… Il a un couteau de cuisine planté dans l’abdomen…
Jordan est entrain de mourir... |
Fin de l’épisode 11
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Vous n’êtes plus seuls !
c'est trop triste la fin! il a pas intérêt à mourir! :(
RépondreSupprimerPas intéressant l'histoire du poignard dans un réfectoire. Quel élève du lycée va se permettre de poignarder un collègue à cet endroit!!
RépondreSupprimerMarco, merci de refaire l'épisode et de continuer à nous faire rêver
entouka j'esper k'il me va pas mourir sinon c'est pas affaire
RépondreSupprimerc'est vraiment triste la fin helas, la vie d'un branché n'est pas facile et j"avoue que souvent j'en ai marre...
RépondreSupprimerla suite c pour quand?????
RépondreSupprimerJ'ai les larmes au yeux, tu es vraiment un superbe auteur...que d'émotions...
RépondreSupprimerla vie est souvant complique mais cette vie branche est plus complique. du courrage nous les branche du mali c'est encore plus complique
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