Marco et sa vie de branché à Abidjan (Episode 3)

Ma mère à moi!

 

                                                              ÉPISODE 3 : Ma Mère aimée, ma Mère à moi !

Puis, Chouchou se lève, sort de son fashion bag une grosse lunette marquée Gucci et lance en me tendant la main:

- Fabrice, viens avec moi ! Ce soir, j’ai au moins trois soirées branchées. Je vais te montrer Abidjan comme tu ne l’as jamais vu !

Je regarde ma montre. 19h05. Je quitte mon siège d’un bond et nous entrons dans les profondeurs de la nuit abidjanaise.

J’aurai voulu vous dire que cette nuit fut fabuleuse, que j’y ai rencontré un mec super mignon muni d'un sourire renversant et d'abdos en acier chromé...

Eh beh, non… Rien de tel.

A peine, suis-je monté dans le taxi avec Chouchou que mon portable résonne.

C’est notre servante à la maison:

- Tu es où, toi là ?

 - Bonjour Ama !

- Ahhh Faut repondre là bas. Je n’ai pas beaucoup d’argent pour finir ça dans  cabine !

- Je suis chez un ami.

- Quel ami ça et puis j’entends bruit, genre tu es dans voiture là. Tu mens à ton âge, Marco ! 

(Franchement à 17 ans, si je ne suis pas capable de mentir, je ne sais pas quand j'apprendrai à le faire).

- Je t'écoute...

- Ta maman m’a dit de te dire de rentrer. La Communauté de l’Amour brûlant pour Jésus vient prier pour la maison.

- Comment se fait-il que chaque deux jours on vienne prier pour la maison?

- Ta Maman a vu un gros hibou noir et un margouillat rouge dans son rêve hier nuit, c’est pour ça !

- Mais c’est juste un cauchemar…Et puis tché…Je suis obligé d’être là ???

- Hum, vas lui demander. En tout cas, à 20h si tu n’es pas là…Toi-même tu connais… Au revoir ! Mon petit argent là est fini à cause de toi…tchrouu !

Elle raccroche.

Je regarde mon téléphone avec haine. 

Chouchou a l’œil rieur.

 

 -  C’est dommage, dit-il, on va remettre ça à une prochaine fois… Ok ?

Je descends du taxi le cœur meurtri, conscient d’avoir raté une occasion en or de me decouvrir. Mais ce n’est que partie remise.

Je prends un waren qui me descend directement devant ma porte. J’entends de là les chants d’adoration. La Communauté de l’Amour Brûlant pour Jesus a commencé son show.

Je me glisse en silence entre deux grosses tanties qui prient les yeux fermés. Ma mère au milieu me jette un regard mauvais.

La séance dure 1h30.

Les amies de ma Mère avec des mines satisfaites qui augurent d’un devoir accompli prennent congés de nous.

Maman, ma petite sœur, la servante et moi prenons place autour de la table à manger en silence.

- Marc-Olivier, fait-elle en faisant tourner une louche dans la sauce graine, j’espère que tu as une bonne excuse pour ton retard !

- Ahi Maman, je ne savais même pas qu’il y avait une prière aujourd’hui… J’étais avec George, pour un exposé.

- Certes mais quand on prend la peine de t’appeler une heure avant … Surtout quand il s’agit de prier notre doux Seigneur !

Maman a toujours raison. Pas besoin d’entrer en conflit avec elle. C’est une vaine entreprise.

- Et toi, Christelle chérie, et ta journée…Tu as fait toutes tes prières?

Je les écoute parler. Mon esprit vagabonde. Je me demande comment ma mère va réagir si un jour, elle apprenait que son fils est branché. Hum, elle me verrait comme l'incarnation du diable sur terre. Elle va m’attacher pour extraire le démon de la « branchitude » par les yeux.  Ca me fait froid dans le dos.

Soudain, on entend une voix famillière de dehors. C’est Armel, mon grand frère, le gendarme. Il vient nous rendre visite un jour sur deux avec sa femme, Myriam, enceinte de 6 mois et qui a la langue plus venimeuse qu’un serpent à sonnette !

- Maman chérie ! Comment vas-tu ? demande-t-il en posant un smack sur sa joue.

Il a l’air content aujourd’hui. C’est rare.

- Belle mère adorée… comment allez-vous ? renchérit Myriam.

- Je vais bien depuis la prière. Je fais trop de rêves étranges, ces derniers temps. Que Dieu nous protège, moi et ma famille !

- Maman, arrête de te préoccuper pour tout et rien à la fois, lance Armel en me faisant un clin d'oeil qui se veut complice.

La conversation commence à m’ennuyer au plus haut point… 

Je mange vite mon plat et suis sur le point de me lever de table quand Myriam lance d’un air faussement désintéressé :

- Au fait, Marco, qu’est-ce que tu faisais aujourd’hui vers 18h à la gare d’Adjamé avec le gars bizarre là ???

Fin de l’épisode 3.

Laissez des commentaires anonymes ou à découvert qu’importe !

Vous n’êtes plus seuls !